D'abord, il y aurait les sédentaires qui, tels Kant semble-t-il, cultivent un unique jardin qu'ils arpentent quotidiennement, quitte à le rendre magnifique et luxuriant. Le risque d'en faire un seul bonsaï isolé et desséché n'est jamais bien loin.
Puis il y aurait ceux qui, constituant l'immense majorité, iraient d'île en île, faisant le plus souvent du cabotage. La liberté est une bien belle chose, mais il ne faut pas en abuser. Alors autant profiter de quelques bouffées d'oxygène pour quitter une contrée et aller se prendre dans de nouvelles contraintes. Changer de job, mais pas trop. Se faire de nouveaux amis, à condition de bien les connaître avant. Une maîtresse, pourquoi pas, tant qu'on ne passe pas à l'acte. Ne jamais être excessif, surtout dans ses excès.
Enfin il y aurait les hardis navigateurs, multipliant les attaches au point de ne plus en avoir, ne défaisant jamais leurs bagages, minimalistes au demeurant, de peur de prendre racine, ceux qui vous ont oublié avant même de vous avoir connu. Ceux-là n'ont avec eux que leur navire, le plus réduit possible afin de ne pas risquer d'y embarquer de passager, clandestin ou non.

Il s'agit là d'archétypes, même si la banalité de la seconde catégorie devrait lui permettre de rallier tous les suffrages. Il ne semble pas y avoir de quatrième voie, de voyageurs terrestres. Pas plus que d'aérostiers survolant le monde sans jamais s'y poser.

Kennedy l'avait bien compris, lorsqu'il clama fièrement à la face du monde: "Ich bin ein Mariner !"