Lors d'un anniversaire récent, un ami dressa un catalogue de choses se rapportant au nouvel âge de celui qu'on fêtait. Catalogue incomplet, auquel je m'empressai d'ajouter une oeuvre musicale chère à Pierre Desproges, dont le numéro d'opus correspondait.

M'est alors venue l'idée que certains nombres étaient plus gâtés que d'autres et de regarder comment tout celà se répartissait. Autrement dit, partant d'un numéro, par exemple 42, s'apercevoir que la seule oeuvre un peu connue s'y rapportant était le concerto pour piano de Schoenberg (je vous conseille au passage l'écoute comparée de Boulez/Ushida et Gielen/Brendel, c'est stupéfiant). Donc pour 42 le score serait de 1.

L'utilité d'une telle démarche apparaîtra immédiatement aux compositeurs en herbe qui auront enfin à leur disposition un outil commode pour promouvoir leurs oeuvres, en sachant à l'avance comment leur garantir la pérennité souhaitée ou, inversement, quels sont les créneaux les moins encombrés.

En revanche celà pose plusieurs problèmes pratiques.

Tout d'abord, jusqu'où aller? On pourrait dire 100, mais on rate toute la fin de catalogue de quelques géants, notamment Beethoven ou Brahms, et ça ne va pas. A 150 on a récolté tout Chostakovitch (147) mais il reste du Schubert (en opus, pas en catalogue D) notamment les trois dernières sonates. Et plus on avance, moins il y a de monde. Le plus simple est de se lancer et de voir où ça nous mène sans trop se poser de question, on verra dans 150 posts où on en est.

Autre problème : certains compositeurs ont un tout petit catalogue publié. Déjà peu prolixe (on parle quantitatif ici), Berg a arrêté de numéroter au-delà de Wozzeck (op.7) et donc ce passionnant travail va louper quelques-uns des plus grands chefs-d'oeuvre du siècle passé (Lulu, suite lyrique, concerto). Question du même genre pour Hindemith, avec un catalogue qui s'arrête quelque part dans les années 30, le compositeur ayant lui aussi décidé d'arrêter de numéroter.

Et puis à l'inverse il y a ceux qui ont tellement pondu qu'on a du recourrir à une classification thématique. Prenons Bach : le catalogue BWV est très spartiate, et notre travail ne comportera que des cantates sans avoir la moindre chance d'atteindre l'art de la fugue. Eliminatoire. Idem pour Vivaldi mais c'est moins grave. Haydn pose une question différente, le catalogue Hoboken faisant un premier tri par type d'oeuvres, puis attribuant un numéro au sein de chaque catégorie. Pourra-t-il ainsi concourrir avec la symphonie Hob. I-1, le quatuor Hob. III-1 et le trio Hob. XV-1? Telemann c'est pire au premier abord puisque les wagons de partitions qu'il a produits (l'édition intégrale Telemann en CD est livrée avec son transpalette) sont parfois classés non seulement par type, mais par tonalité. En fait c'est un faux problème puisque aucune oeuvre de celui qui a élevé la production de cantates au rang d'industrie lourde (plus de 1800) ne présente pour moi le moindre intérêt.

Tout ceci prend vite un tour très subjectif : appréciation pifométrique de la valeur d'une oeuvre, élimination arbitraire de certains compositeurs à défaut d'un classement pertinent (Bach) ou d'une production présentant quelque intérêt (Chopin), catalogues multiples (Schubert, Dvorak), voire de classement tout court (innombrables) mais c'est l'occasion de digresser sur un sujet vain et ça, ça n'a pas de prix.