Je viens d'apprendre, pas hasard, le décès d'un de mes profs.

Pas n'importe quel prof, l'un des quatre ou cinq donc on se souvient vingt ou trente ans après. Evidemment, comme on n'a pas fait des études interminables, on ne fait pas partie du petit cercle d'initiés qui ont fait une thèse avec lui, ou l'ont connu professionnellement. Et à la limite on se souvient à peine du contenu de ses cours, où l'on pouvait très bien évoquer Saint-Augustin, puis réciter l'alphabet à l'envers en buvant un café et, dix minutes plus tard, s'intéresser au produit de deux machines de Turing (sans y comprendre grand chose). Mais quel bonhomme enthousiasmant! Et quand on arrivait à saisir quelques bribes de son discours, quel bonheur!

Ses proches me maudiraient sans doute de l'anecdote potache, mais je retiendrai toujours sa définition d'une fonction croassante : "tant plus vaut la variable, tant plus d'icelle vaut la fonction", peut-être une allusion à certaines notations préfixées comme le tau de Hilbert ou autres notations informatiques.

Triste nouvelle, vraiment.

Et une fois de plus on entre en collision (amortie ici par l'embonpoint d'un bon vivant, maintenu en place par d'improbables bretelles, sources d'autres anecdotes potaches que je garderai pour moi) avec un homme passionné par ce qu'il faisait. Combien faudra-t-il que j'en perde pour sortir de cette espèce de mort permanente dans un bureau gris à faire des choses grises?