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Sale temps pour faire ses courses !

Lorsque la toiture de la galerie avait été démontée, il y a quelques mois, on ne craignait rien de pire qu’un orage d’été. Et encore, on était en mai, et on avait encore tout le temps qu’il fallait pour effectuer les réparations. C’est bien pour cette raison que cette période avait été retenue, et le bâtiment était devenu dangereux depuis tellement longtemps que les commerçants s’étaient vus soulagés de cette épée de Damoclès sans arrière-pensée.

Ce que tout ce petit monde ignorait, c’était que le financement de la réfection ne dépendait pas des mêmes circuits de validation que celui de la dépose. Après que les premiers travaux eussent été validés comme une pure formalité par une commission tout à fait ordinaire qui n’avait pas pour habitude d’examiner le fond des dossiers, la reconstruction fut examinée avec attention par un directoire extraordinaire, qui venait juste de se pencher sur la politique de rémunération personnalisée des personnels hors cadre détachés dans des services interministériels déconcentrés, sujet ô combien polémique.

La reconstruction du toit fut donc regardée très rapidement, le temps de constater que les conversations de couloir occasionnées par le sujet précédent avaient vidé l’assemblée, dont le quorum n’était plus réuni. On ne put donc statuer, et il fut décidé de renvoyer l’instruction de ce dossier, initialement anodin mais devenu plus complexe, à un groupe de travail ad hoc qui était invité à présenter ses conclusions à la session d’automne. Le groupe se réunit, mais ses conclusions se perdirent à l’occasion d’un effacement total des mémoires des puissants ordinateurs du centre de calcul. Il se réunit donc à nouveau, mais ne put présenter ses conclusions en temps et en heure pour en permettre la validation par le directoire suivant. L’aréopage devait donc se revoir un après-midi de février, pour examiner le bien-fondé de travaux à réaliser au plus tard en octobre.

On en était là, et le dépassement de la date butoir de décision ne présageait rien de bon : les devis n’étaient plus valides, les budgets tombaient sur un nouvel exercice et, de fait, l’appel d’offres était caduc.

La neige tombait à gros flocons sur les échoppes. Les libraires rentraient précipitamment leur marchandise, tandis que la boulangerie profitait d’un afflux soudain de clientèle, attirée autant par la chaleur que par les effluves que l’on ne pouvait ignorer.

Elle dut faire une sortie un peu acrobatique pour enjamber une congère en train de se former à l’arrivée de son escalator, que personne n’avait semblé utile d’arrêter.

Ecrit par schlopotok, le Lundi 21 Février 2005, 16:44 dans la rubrique Vie quotidienne.