Qu'on se rassure, il ne sera pas question ici de Karl Orff, auteur de l'opéra portant ce titre.

On a déjà causé ici d'oeuvres très longues, en l'occurrence de l'extraordinaire second quatuor de Morton Feldman. J'ai appris ce week-end l'existence d'une démarche qui, je l'avoue, me dépasse un peu. Au point que je m'interroge sur la limite entre art contemporain et foutage de gueule.

John Cage (le compositeur new-yorkais, pas l'avocat de Boston) a composé une oeuvre pour orgue censée être jouée "le plus lentement possible". Des allemands, partant si j'ai bien compris du principe que la seule restriction est de ne pas changer d'instrument en cours de route, se sont lancés dans une interprétation dont la durée correspond à l'âge du plus vieil orgue encore en activité, ou quelque chose comme ça. La partition de 4 pages sera donc interprétée en 639 ans, ce qui met la croche à un mois.

L'orgue sera construit au fur et à mesure. Au départ il était assez minimaliste, puisque l'oeuvre commence par un silence (de 17 mois). Il comporte actuellement 6 tuyaux, et joue 24 heures sur 24 un accord assez paisible. Mais que diront les voisins quand, dans quelques siècles, il jouera des passages fortissimo?

Ceux que la démarche enthousiasme peuvent y contribuer en achetant une année. Pour la modique somme de 1000 euros, ils auront droit à une plaque dans l'église.

Personnellement, ça me dépasse un peu. La musique n'est-elle pas, par excellence, l'art de l'éphémère? Que devient-elle si on la fige dans le temps? D'autre part, comment peut-on se faire une idée de sa construction si on meurt avant la fin? Un rapprochement des idées de Feldman sur ses notions d'échelle et l'importance de la mémoire est intéressante, puisqu'il devient impossible d'appréhender l'oeuvre complète.

Qu'en dirait Adorno?